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Camanchaca de Diego Zúñiga

Camanchaca de Diego Zúñiga

Traduit de l'espagnol (Chili) par Robert Amutio

Edition : Christian Bourgois - ISBN : 978-2267027303 - Date de parution : 12 mars 2015 - 125 pages Broché : 13 €

 

Première parution en 2009

Prix littéraire Gabriela-Mistral, prix littéraire de la jeune création Roberto-Bolaño dans la catégorie roman.

Bourse de création littéraire du Conseil national de la Culture et des Arts

 

Avec ce billet, je ne vous amène pour une fois pas en Inde mais au Chili avec ce pétillant roman drôle et un brin sarcastique.

 

Depuis Santiago, un fils voyage avec son père, la nouvelle épouse de ce dernier et leur fils. Après une longue escale à Iquique chez le grand-père maternel, le père et le fils se rendront à Tacna à la frontière péruvienne car le jeune homme à des graves problèmes de dentition, héritage génétique de sa mère. En effet, à vingt ans à peine, il saigne des dents et risque sous peu de ne plus en avoir.

Le jeune homme, après une jeunesse à Iquique, vit avec sa mère dans une modeste maison de Santiago, où ils dormaient tous deux dans le même lit. Il faisait des études de journalisme et rêvait de devenir animateur radio dans le domaine du sport. A la maison, il s'amusait à commenter les matchs qui étaient passés à la télévision comme faisaient les commentateurs sportifs. Il jouait aussi avec sa mère à l'interviewer, mais une question trop taboue à propos du mystérieux accident de l'oncle Neno a mit fin à ce jeu. Dès lors, ils ne se racontaient que des histoires ... dans la pénombre de la chambre.

Tout d'abord durant le trajet entre Santiago et Iquique, puis durant le séjour non pas dans l'appartement de son père, mais chez son papy qui a transformé la maison familiale en pension, le jeune homme nous raconte ses vacances. De plus, à travers des va-et-vient, il nous raconte ses souvenirs d'enfance, sa vie à Santiago avec sa mère, ses précédentes vacances avec son père à Buenos Aires mais ses interrogations sur certains mystères qui planent dans sa famille.

 

Diego Zúñiga n'a sans doute pas nommé son roman "Camanchaca" par hasard. Comme ce phénomène climatique et météorologique qui n'existe qu'au Chili et qui se traduit par un brouillard qui ne laisse pas tomber la pluie, le personnage principal du roman ne laisse pas transparaître à ses proches ses sentiments et ses blessures pourtant très profondes.

Ce jeune homme, dont l'on ne connaîtra jamais son prénom, donne l'impression d'un personnage avec un développement intellectuel très limité, presque simplet. Pourtant à travers le récit, le lecteur découvrira qu'il n'en était pas toujours ainsi, mais que c'est simplement le résultat des nombreux conflits familiaux inexpliqués et qui ont bouleversé sa vie ; ainsi que sa vie quasi recluse et un brin trop intime auprès d'une mère déprimée. Un environnement peu favorable à son complet épanouissement dans lequel se rajoute : le divorce de ses parents, un père qui a refait sa vie, le déménagement à Santiago, la distance entre père et fils à la fois géographique et sentimental, sa mère frustrée qui refuse de sortir, un père radin et sans dout assassin, un grand-père obnubilé par sa Bible, des sujets tabous, etc.

Dans Camanchaca, Diego Zúñiga soulève le malaise qui ébranle les relations familiales. Deux contradictions se mêlent, une complicité trop forte auprès d'un parent d'un côté et à l'opposé un malaise pour communiquer avec l'autre parent. Le personnage principal manque réellement d’enthousiasme dans sa vie insipide, refusant sans doute de grandir et de prendre sa vie en main. Ses seuls plaisirs étant de manger et le second de jouer à faire ce qu'il aurait aimé être si sa vie aurait été sans doute autrement. Et pourtant, l'on peut sentir de petits changements qui s'opèrent en lui : son refus d'appeler sa mère et d'écouter ses ordres à propos d'une liste d'affaires à acheter aux frais de son père, de rester et de subir son grand-père, sa décision de se rendre plus fréquemment au domicile de son père, arpenter les quartiers de son enfance et pourquoi ne pas retrouver d'anciens amis. Dans Camanchaca, il est également question de l'importance des liens du sang même si les rapports entre chacun des membres ne sont que formel et sans sentiment.

Camanchaca est un livre très intéressant, à l'écriture très fine et sa conception originale. L'auteur, à mon avis, a essayé de transmettre, même si c'est de manière exagérée et un brin ironique, l'identité chilienne, on y insérant différentes caricatures. De multiples drames sont dissimulés dans le livre et l'histoire de ce jeune homme est tragique. On peut sentir que pour lui s'extirper de cette famille atypique ne sera pas chose aisée, d'ailleurs on referme ce roman un peu secoué par tous ces personnages et l'on sera triste pour ce jeune homme, plutôt détesté qu'aimé par les siens.

N'hésitez pas à vous lancer dans ce récit, même s'il vous remuera, vous n'en serez pas déçu et vous découvrirez un jeune écrivain, issu de la nouvelle génération d'écrivain latino-américain.

Camanchaca de Diego ZúñigaCamanchaca de Diego Zúñiga

La première voiture de papa, ç'a été une Ford Fairlade, de 1971, un cadeau de mon grand-père pour ses quinze ans.
La deuxième, ç'a été une Honda Accord, gris plong, de 1985.
La troisième, ç'a été une BMW 850i, bleu foncé, de 1990, avec laquelle il a tué mon oncle Neno.
La quatrième est un pick-up Ford Ranger, gris-noir, dans lequel on est entrain de traverser le désert de l'Atacama.

Page 11

Papa me dit qu'on est déjà tout près d'Antofagsta. Il m'explique qu'il faut respecter le désert et la route, parce que tout le monde n'est pas capable de conduire dans ces conditions. Je hoche la tête en retirant un de mes écouteurs avec la main.

Page 19

C'est depuis qu'on est arrivées maman et moi à Santiago que l'on a décidé de dormir ensemble. Il faut dire qu'en réalité, la décision, c'est maman qui l'a prise : elle m'a dit qu'il n'y avait pas de sous pour le gaz, qu'on ne pouvait pas avoir un radiateur et que le mieux c'était de dormir ensemble, comme du temps où j'étais petit et où l'on vivait à Iquique.

Page 20

Quand la nuit est tombée, maman est entrée dans ma chambre et m'a dit que Coka continuait à se plaindre. On est allés dans la cour et elle était là, toute maigre, avec des oreilles de cocker spaniel couvertes de terre. Elle était couchée dans sa niche, elle gémissait toujours. Je ne sais pas quoi faire, a dit maman. Moi non plus. Je me suis accroupi et j'ai commencé à passer ma main sur son échine.

Page 66

C'est ainsi que va le monde, dit mon papy, c'est Babylone la grande qui règne, mais Jéhovah qui est au ciel, nous protégera, nous qui suivons la parole.
C'est pourquoi nous devons lire la Bible, me dit-il, pendant que je prends une tasse de thé, nous devons nous instruire pour vaincre Satan.
Je hoche la tête et je me prépare un sandwich.

Page 83

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