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Les toits du paradis de Mathangi Subramanian

D'après nos mères, les secrets n'existent pas au Paradis.
Elles se trompent, bien sûr. Il y en a des tas. Des secrets cachés dans les casseroles et les marmites, près à tinter, résonner, vibrer et s'échauffer à la première occasion. Des secrets qui, baignant dans les flaques de soleil, observent le monde de leurs yeux en demi-lune.
Des secrets qui s'élancent par les portes, se glissent sur les rebords de fenêtre en montant les crocs dans l'intention de se faire remarquer. Des secrets en forme d'ombres, de lambeaux de nuages. Aux teintes et textures si intimement mêlées à notre environnement qu'ils nous échappent sans mal, même lorsqu'ils se trouvent là, juste sous notre nez.

Page 339

Les toits du paradis

De Mathangi Subramanian

Titre original : A People's History of Heaven

Traduit de l'anglais (Inde) par Benoîte Dauvergne

Éditions L'Aube - Collection : Regards Croisés - Date de parution : 2 janvier 2020 - ISBN 978-2-8159-3577-7 - 408 pages - Prix éditeur : 23 €

 

"Swarga" - du sanscrit "paradis" est le surnom donné à l'endroit où vivent cinq amies qui se connaissent, certaines, depuis l'enfance : Deepa, Banu, Padma, Ruskhana et Joy. Leur paradis, leur terrain de jeu, leur lieu de vie, leur monde est un bidonville de Bangalore qui se situe non loin de l'aéroport. De la première, seconde ou troisième génération à y vivre, ces cinq amies, très différentes l'une de l'autre, sont soudées comme les cinq doigts de la main.

Alors qu'elles sont en âge de rêver à leur avenir, des rêves où se tapit l'espoir de vivre une autre vie, le bidonville est une nouvelle fois menacé. Avec un ordre de destruction dans leur boîte à gants, les bulldozers ont commencé à faire table rase des habitations faites de bric et de broc qui se sont formées durant des décennies sur ce terrain. Mais les habitants, et particulièrement ses habitantes, mères et filles, ne sont pas prêts à les laisser faire.

Pour que survive leur petit coin de paradis et son bon souvenir lorsqu'il aura disparu, elles nous livrent ses secrets en nous contant un pan de leur vie, de celle de leur mère et même grand-mère.

 

 

"Les toits du paradis" est le premier roman de Mathangi Subramanian traduit en français. A travers une quintette, elle nous conte l'histoire de cinq filles, de leurs amis proches et de leur famille, qui se battent pour sauver leur bidonville de la destruction.

"Les toits du paradis" ne doit pas être considéré comme un énième roman sur la misère des bidonvilles, fort en aprioris. Avec ce roman, Mathangi Subramanian a sans aucun voulu apporter une image différente de ces slums, en donnant la voix à ses habitantes débordant de vie malgré leur précarité. L'auteure permet à son lecteur de faire table rase de ses préjugés et lui pris d'écouter ce que ces jeunes filles et ces femmes ont a lui raconté : des morceaux de vie, des souvenirs, leurs rêves, leurs potentiels, ... et leur combat.

Les cinq filles de ce roman, qui en sont le noyau, forme un groupe original et hétéroclite, un groupe débordant de vie. On y trouve Deepa qui a été obligée de quitter l'école à cause de sa cécité, Banu aux multiples talents artistiques et manuels, Joy qui est née garçon et se sent depuis toujours une fille, Rukshana qui préfère les filles et Padma, la dernière arrivée dans la bande et qui a la charge de ses frères et de sa mère.

Même si le fil conducteur est l'éventuelle destruction prochaine du bidonville, Mathangi Subramanian s'est avant tout intéressée à nous faire découvrir de manière épisodique les histoires des cinq filles et de leurs mères et grand-mère. L'occasion pour l'auteure d'aborder des sujets qui sont concernent principalement les femmes indiennes : les castes, les mariages arrangées, les naissances et la stérilisation forcée, ... Avec le personnage de la directrice d'école, orpheline et qui a été élevée dans un couvent, l'auteure démontre que rien n'est impossible. C'est d'ailleurs ce personnage qui permet aux filles de se raccrocher à l'espoir d'avoir une vie meilleure que leur mère.

Le choix du lieu est également intéressant. Après Delhi et Mumbai/Bombay, Bangalore, une ville du Sud de l'Inde, est aujourd’hui la troisième mégapole du pays, et pourtant cette ville reste peu présente dans les romans. Avec le boom des nouvelles technologies, cette ville que l'on surnomme la "Silicon Valley indienne" a crû de manière spectaculaire. Des flots de travailleurs sont venus vivre dans cette ville et ont triplé la population en 30 ans, certains de ces travailleurs n'ayant pas d'autre choix que de venir habiter dans un bidonville. Ce roman prend justement en considération ces familles venant des quatre coins du pays, souvent des campagnes, pour venir travailler dans cette ville et qui finalement devront vivre plus difficilement qu'avant.

"Les toits du paradis" est un roman où il faut savoir écouter, écouter ce que ces personnages féminins ont à nous dire, sans préjugés. Elles vous monteront qu'elles sont fortes, pleines de vie et que la joie anime leur cœur malgré les déboires de la vie. Une belle leçon de vie, une belle leçon d'humanité. Un très beau roman.

 

Bangalore était jadis un endroit où poussaient un tas de choses. Des arbres, des buissons, des fleurs. Des tomates si on les plantait en janvier. De la coriandre et de la menthe à n'importe quelle époque de l'année. C'était un endroit où la terre poussait la vie vers le ciel et où le soleil tirait la vie vers le haut, toujours plus haut.
Après l'arrivée des ingénieurs, Bangalore a vu pousser des choses différentes. Des bâtiments, des ponts routiers, des routes à péage.
Et des murs. Des tas et des tas de murs.
Forteresses de béton brut autour d'immeubles de logements, de bureaux et de centres commerciaux flambants neufs qui, pour rien au monde, ne nous laisseraient entrer. Remparts dressés contre le bruit de la circulation, l'odeur des voitures. Contre les frasques et le fracas des filles.

Page 186

C'est une chose d'inventer des histoires pour sauver les autres. C'en est une autre d'écrire une histoire pour se sauver soi-même.

Page 319

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