6 Mars 2018
La douceur de sa voix et son amour profond menaçaient les germes d'identité européennes qui avaient comme à prendre forme en moi. Je me sentais orphelin des temps modernes, je ne représentais rien pour qui que ce soit. Dans la conception ancienne du monde je n'étais personne, pas même en termes de liens de sang. J'avais quitté Java-Est pour devenir quelqu'un , et voilà que l'amour et la tendresse de ma mère se dressaient devant moi tel un juge ignorant des deux aspects de mon être.
Une empreinte sur la terre
"Buru Quartet" Tome 3
De Pramoedya Ananta Toer
Titre original : Jejak Langkah
Roman traduit de l'indonésien par Dominique Vitalyos
Éditions Zulma • Parution le 8 mars 2018 • ISBN 978-2-84304-804-3 • 672 pages • Prix éditeur : 24,50 €
Quatrième de couverture
«Dans la poche intérieure de ma veste, je transportais deux feuilles de papier méticuleusement pliées : mon diplôme de fin d’études secondaires et une convocation de la Stovia, l’école de médecine de Betawi. N’était-ce pas formidable ?»
Voici Minke en homme neuf dans un monde nouveau : laissant derrière lui des heures douloureuses, il s’embarque pour la capitale des Indes néerlandaises et ses possibilités infinies. Mais on n’échappe ni à ses souvenirs ni à sa condition : pour entrer à la Stovia – la seule école supérieure autorisée aux Indonésiens par le code colonial –, il lui faut renoncer à ses vêtements européens, et marcher pieds nus…
Ce désaveu sera le dernier. Minke, avec une poignée d’hommes et une femme exceptionnelle – Mei, professeur et activiste chinoise – passe à l’action : il crée un premier syndicat, une association pour l’éducation des masses, un journal indépendant en malais… Il n’est plus temps de comprendre le monde, mais de le changer !
Après "Le Monde des hommes" et "Enfant de toutes les nations", voici, avec "Une empreinte sur la terre", le troisième volet du Buru Quartet, publié en français pour la première fois, directement traduit de l’indonésien. Fresque politique, roman d’initiation, d’amour et d’émancipation, le Buru Quartet est une incroyable machine romanesque – géniale, puissante et unique.
Minke a laissé derrière lui Wonokromo et Surayaba pour Betawi afin d'intégrer la Stovia, l'école de médecine ouverte aux indigènes de haut rang. Minke se rendra rapidement compte que cette voie n'est pas la sienne, de plus les études l'ennuient, tout comme la vie à l'internat. Grâce aux encouragements de Mei, une jeune femme d'origine chinoise qui deviendra sa nouvelle épouse, il essayera de persévérer. Après quelques années sans nuages, Minke qui aura enfreint une nouvelle fois le règlement, se fera renvoyer de l'école peu de temps après le décès de son épouse.
Minke qui n'avait jamais abandonné l'écriture d'articles pour la presse se réfugiera entièrement dans le journalisme. Mais l'idée d'une organisation, à l'exemple de celles créées par les chinois et les arabes pour leur communauté, permettant d'aider les indigènes à s'élever dans la société des Indes Néerlandaises est en train de germer dans sa tête. Devant la complexité des castes et le caractère multiethniques des Indes Néerlandaises, sa première organisation se retrouvera un temps au point mort mais aura l'avantage d'avoir donné naissance à un journal hebdomadaire "Medan" qui deviendra un quotidien. "Medan" sera le premier journal indigène et il sera lu jusqu'en Europe. Mais Minke, comme par le passé, va rencontrer des difficultés et subira des injustices.
"Une empreinte sur la terre" est le troisième volet du "Buru Quartet" écrit par le plus grand écrivain indonésien Pramoedya Ananta Toer. Tout comme "Le Monde des Hommes" et "Enfant de toutes nations", nous y retrouvons Minke, un jeune homme très instruit qui est issu de l’aristocratie javanaise, il possède d'ailleurs le titre aristocratique de "Raden Mas". Les romans du "Buru Quartet" se déroule sur l'île de Java en Indonésie et suivent chacun la chronologie. Dans "Une empreinte sur la terre", nous retrouvons Minke au tout début des années 1900 pour le quitter en 1912-1913. "Une empreinte sur la terre" est écrit, tout comme les deux premiers, dans un style narratif. Pourtant "Une empreinte sur la terre" est très différent de ce que Pramoedya Ananta Toer nous avait habitué au début de sa tétralogie-quadrilogie du "Buru Quartet" et sur de nombreux points.
"Le Monde des Hommes" et "Enfant de toutes nations" sont des romans plutôt issus du domaine de la fiction reliés tous deux à travers un fil conducteur clairement visible, alors que "Une empreinte sur la terre" prend une tout autre direction. L'on peut presque considérer qu'il est un roman à part. Minke a quitté la ville de Surayaba pour rejoindre Betawi - capitale des Indes Néerlandaises, que l'on connaît sous le nom ancien de Batavia (actuel de Jakarta, la capitale de l'Indonésie) - puis la ville de Buitenzorg (aujourd'hui Bogor). Minke ne sera pas cantonné uniquement à ces deux villes car il fera de nombreux déplacements à travers l'île de Java. Pramoedya Ananta Toer a, dans ce nouveau volet, accordé une place importante aux différentes villes, îles, peuples de l'actuel Indonésie. Il a sans doute voulu partager la complexité géographique et ethnologique des Indes Néerlandaises afin de nous faire prendre conscience du défi auquel Minke s'attaque. Minke est indéniablement un témoin de premier plan de ce vent de modernité qui souffle sur le monde et souhaite réveiller les indigènes de leur lourd sommeil afin de leur faire prendre conscience qu'ils doivent enfin se battre pour faire reconnaître leurs droits avant que d'autres communautés ne se l'approprient. "Une empreinte sur la terre" est clairement un roman où l'on retrouve l'essence même de ce qui a inspiré Pramoedya Ananta Toer pour l'écriture du "Buru Quartet", la vie du journaliste indonésien Tirto Adhi Soerjo, une figure de l'éveil national indonésien et l'un des premiers journalistes d’État. C'est un changement majeur dans le "Buru Quartet" car Pramoedya Ananta Toer quitte le domaine fictif pour approcher d'un domaine plutôt biographique. La vie de Minke est clairement le reflet de la vie de Tirto Adhi Soerjo et le lecteur se retrouve à suivre de plus près la situation historique, politique et commerciale des Indes Néerlandaises au début du XXème siècle, un tournant décisif qui verra naître la notion de nationalisme. A travers ce roman, nous découvrons tout le parcours et tout l'investissement personnel que demande la gestion d'une organisation et les sacrifices demandés. La vie privée de Minke est reléguée au second plan, ne permettant au lecteur que d'en apercevoir des bribes. Le lecteur s’apercevra très rapidement des changements qui se feront sur Minke.
"Une empreinte sur la terre" est un roman qui nous plonge au cœur de l'histoire, une histoire peu connue de l'actuel Indonésie. C'est un roman anti-colonialisme qui met en lumière les inégalités sociales et le racisme dans les colonies au début du XXème siècle. Il permet avant tout de découvrir à travers le personnage de Minke, Tirto Adhi Soerjo, ses pensées, ses idées, ses actions et ses sacrifices. Le lecteur ne peut qu'être touché par ce roman, écrit dans une prison par son auteur et ne peut qu'avoir hâte, savoir ce qu'est advenu de Minke en espérant avoir un semblant de réponse dans le dernier volet "La Maison de verre". "Une empreinte sur la terre" est un roman clé pour comprendre le monde et l'Indonésie d'aujourd'hui à travers l'histoire d'un homme qui y a laissé une empreinte sur cette pauvre terre.
Dans le monde moderne, à mesure de la diversification et de la précision des sciences qui détaillent nos existences, les hommes deviendront de plus en plus étrangers les uns aux autres. Ils ne se rencontreront bientôt plus que par nécessité d'affaires ou par hasard. Privés d'un accès facile à la connaissance de l'autre, il ne pourra plus savoir si son patient est un noble cœur ou non.
Une empreinte sur la terre - Buru Quartet III - Editions Zulma
Voici Minke en homme nouveau. Laissant derrière lui Surabaya pour la capitale des Indes néerlandaises, il entre à l'école de médecine - la seule école supérieure ouverte aux Indonésiens. Ma...
http://www.zulma.fr/livre-une-empreinte-sur-la-terre-buru-quartet-iii-572159.html
pramoedya ananta toer - atasi.india.mania.com
" Une fois que vous aurez senti la poussière de l'Inde, vous ne vous en libèrerez jamais " Rumer Godden
Ainsi, la comédie, bon gré, mal gré, pourrait continuer. On ne vous apprend jamais à l'école que telles sont les voies de l'humanité. Elles existaient, semble-t-il, bien avant ma naissance et ne disparaîtraient qu'avec la destruction de la terre et des hommes. Peut-être étaient-ce les lois de la vie et qu'il fallait s'en accommoder.