La brise qui monte du fleuve de Hema Macherla

La brise qui monte du fleuve

De Hema Macherla

Roman traduit de l'anglais (Inde) par Josette Chicheportiche

Titre original : Breeze from the River Manjeera

Editions Mercure de France - Collection Bibliothèque étrangère - Parution : 13 avril 2012 - ISBN : 978-2715231986 - Prix neuf : 25,80 € (acquis en occasion auprès de Recylivre)

~~~~

Neela est une indienne de la campagne, fille unique et très aimée par ses parents. A vingt ans révolus, ses parents organisent par tradition un mariage arrangée. Mais il est difficile pour eux de trouver un bon mari à leur fille, tout simplement pour un critère de beauté.

Ils finiront pas trouver un mari pour leur fille, Ajoy, un indien vivant à Londres et dont sa famille est pressée à le caser. En l'échange d'une dot conséquente qui endettera ses parents, Neela se maria une semaine après avoir aperçu Ajoy. Ce dernier ignora ostensiblement son épouse et retourna au Royaume-Uni dès le lendemain des noces.

Neela rejoindra son époux et sa belle-famille, six mois après le mariage. Elle sait qu'elle devra être au service de sa belle-famille, comme l'exige la tradition, mais elle n'aura jamais pu deviner à quel point elle sera ignoble avec elle. Ajay sera le plus de tous, paresseux, endetté, sans emploi, coureur de jupon et alcoolique ; il n'hésitera pas à battre sa femme et à la violer. Neela ne trouvera bien évidement aucun réconfort auprès des autres membres de sa belle-famille, qui la détestent, qui profiteront d'elle car leur seul but était d'avoir la dot pour éponger des dettes. Neela trouvera malgré tout une alliée et surtout une grande amie, Anita, la logeuse à son mari, qui sera son soutien et et lui fera ouvrir les yeux.

Neela, dès que son destin s'illuminera, devra affronter un revers de la médaille. Grâce à Anita, elle trouvera un premier travail qu'elle perdra à cause de sa belle-famille ; lorsqu'elle obtiendra enfin un équilibre avec son deuxième emploi après le décès de son époux, son beau-frère, n'hésitera pas à vendre sa belle-sœur à un de ces amis pour une nuit ... Neela se battra pour retrouver sa dignité de femme, mais le prix sera élevé et le chemin semé d'embûches.

~~~~

Ce roman se lit facilement et après lecture deux thèmes en ressort. La principale est bien évidement l'éternel sujet des mariages arrangés, les filles sont choisies selon de nombreux critères (caste et sous-caste, beauté, compétences, ...) alors qu'à l'opposé la famille du marié n'est pas obligé de tout dévoilé et souvent ces unions évoluent dans des conditions tragiques comme c'est le cas de Neela.

Le second thème est celui des émigrés indiens qui sont confrontés la première fois à un pays radicalement opposé à l'Inde, au niveau de la culture principalement car au niveau de la langue l'anglais est enseigné dans les écoles indiennes, mais encore faut-il y être allé. Avec Neela, venue de la campagne, le lecteur découvre que même si l'Angleterre lui était contée plus jeune, il est difficile de se l'imaginer et de s'y projeter. Après se fait l'intégration qui est bien plus facile, forcément, dans une communauté aux mêmes origines : Anita est d'origine indienne, 3 des employeurs d'Anita auront également les mêmes origines et feront preuve d'allégresse lorsque cette dernière ne pourra pas se rendre à un travail. Mais Anita montre à son lecteur, qu'elle peut très bien se débrouiller en-dehors de son milieu "indien", en vivant en colocation avec Gill, une britannique divorcée.

Ce roman est une belle leçon de vie et de courage,malgré les conditions défavorables dans lesquelles elle est arrivée au Royaume-Uni, elle fera un très beau parcours, certes pas toujours rose, mais à force de faire preuve de détermination et avec de la chance, les efforts seront récompensés.

Le langage de ce roman est très simpliste avec de nombreuses narrations, les chapitres au nombre de 44 sont relativement courts ce qui permet au lecteur de le dévorer assez rapidement.

Toutefois, le hasard et "le monde est très petit" est trop souvent utilisés ce qui peut à force donner un côté lassant. Il aurait été préférable que l'auteur donne une autre tournure à certains évènements, ce qui aurait fait un meilleur roman.

Le personnage de Neela est très attachant, et le lecteur n'a qu'une seule hâte, celui de suivre les péripéties et les prises de consciences successives de cette héroïne pour conquérir une autonomie et surtout de retrouver sa dignité. Dommage que de nombreuses questions restent en suspens à la fin du roman.

Lorsque la charrette atteignit la lisière du village, elle entendit le grondement du Manjira. Le cœur lourd, elle tendit le cou pour apercevoir une dernière fois le ruban bleu que formait le fleuve. Comment pourrait-elle vivre sans s'y rendre tous les jours.

Page 50

Heureusement, il y avait Anita, Anita qui la comprenait sans qu'elle ait besoin de s'expliquer. La seule pensée de son amie lui apportait un grand réconfort, et parfois faisait même apparaître un sourire sur ses lèvres. L'envie de la voir la prenait à certains moments. Une envie furieuse. Car elle savait que, par sa seule présence, Anita lui insufflerait la force nécessaire pour traverser des heures obscures.

Page 137

Pendant la période de la mousson, il flottait le même parfum en Inde. A la fin de l'été, quand les nuages s'amoncelaient, elle sortait souvent pour recueillir sur la langue les premières gouttes de pluie avant qu'elles ne disparaissent dans le sol assoiffé. Chaque goutte qui tombait du ciel était un nectar. En quelques instants, elle était trempée des pieds à la tête, enivrée de l'arôme si spécial de la terre enfin satisfaite.

Page 180

Lorsqu'elle entra dans l'atelier, les choses ne s'arrangèrent pas. Tous la regardaient bizarrement. Sa gêne ne fit que s'accroître quand elle vit que certaines femmes murmuraient sur son passage et que d'autres la toisaient avec répugnance. D'où venait ce changement si brusque chez ses collègues ? Elle avait l'impression de marcher sous une rangée de projecteurs.

Page 248

Neela passait ses week-ends seule, à lire en général. Elle fréquentait assidûment la bibliothèque municipale trouvant auprès des livres les meilleurs compagnons. Chaque fois qu'elle finissait un roman, elle éprouvait le sentiment d'avoir véritablement accompli quelque chose. Non seulement la langue ne lui posait plus de problème, mais elle ne se laissait plus décourager par la complexité de l'histoire. Les personnages, qu'elle comparait aux gens qu'elle connaissait, l'aidaient à mieux cerner ces derniers, et à mieux comprendre la nature humaine.

Page 274

En regardant par la fenêtre, elle aperçut des enfants qui jouaient autour du conifère, à côté du portail. De petits soucis jaunes poussaient sous l'arbre. Leur spectacle lui rappela ceux de son jardin, en Inde. Ils fleurissaient en abondance. Elle s'amusait à rivaliser avec Suji pour savoir qui confectionnerait la plus longue guirlande. Les deux amies décoraient ensuite leurs cheveux avec les fleurs restantes et, le soir, portaient leurs guirlandes au temple, près du Manjira. Est-ce que ses parents en plantaient toujours ? Elle leur poserait la question dans sa prochaine lettre. Les images de l'Inde calmèrent son esprit torturé. Son mal du pays n'avait jamais faibli, les circonstances lui avaient juste appris à vivre avec sa nostalgie.

Page 284