4 Décembre 2019
- Je pense qu'aujourd'hui que cette voix fait simplement partie du charme d'un voyage. Peut-être êtes-vous en train d'apprendre. Quelque part en chemin, j'ai découvert qu'une autre voix résonnait, qu'elle cherchait à se faire entendre. Comme elle était plus calme que la première, moins exigeante, j'ai dû tendre l'oreille pour la saisir.
J'attendis la suite.
- Cette seconde voix me disait d'avoir confiance. D'avoir foi en mon énergie et mes connaissances, de ne pas essayer de comprendre pourquoi le monde alentour était différent, mais de m'abandonner à cette différence. De m'abandonner au destin qui, tant que je donnerais le meilleur de moi-même, ne me trahirait pas.
La rose rebelle
De Linda Holeman
Titre original : The Moonlit Cage
Traduit de l'anglais par Marie-Claude Elsen
Aux Éditions Plon (broché), en occasion, et Éditions J'ai Lu (poche)
A l'ombre de l'Hindou Kouch, Afghanistan, 1845
Daryâ est une jeune adolescente afghane tadjik intelligente, sensible et rebelle. Fille unique d'un fermier, elle souffre de n'être pas né garçon. Sa seule chance est d'avoir une grand-mère exceptionnelle, Mâdâr Kalân. Cette dernière avait une autre vie avant l'Afghanistan, elle a vu le monde en vivant dans des lieux aux noms inconnus pour la jeune Daryâ et surtout elle y avait connu l'amour. Mais un jour, Mâdâr Kalân mourut et avec elle ses histoires qui permettait à sa petite fille de moins souffrir. Quelques mois après ce décès soudain, la mère de Daryâ accouche d'une nouvelle fille et peu de temps après son père se trouve une seconde épouse.
Par un concours de circonstances, l'adolescente se retrouve victime d'une malédiction et est rejetée par les siens et sa communauté. Daryâ qui avait été en âge de se marier à son fiancé, se retrouve seule. Son père décide alors de la vendre en échange de trois chevaux - de très beaux kaboulis - au second fils du chef d'une tribu nomade qui se trouve actuellement dans la région de l'Hindou Kouch tout en omettant de préciser que Daryâ est victime d'une malédiction. Cet homme de la tribu des Ghilzais cherche une troisième épouse qui puisse lui donner enfin des enfants.
Daryâ s'adapte assez rapidement à sa nouvelle vie au sein de la tribu patchoune. Elle essaye de combler au mieux son époux Shaliq, qui est loin d'être le mari idéal. Malgré tous les efforts fournis par Daryâ, elle ne tombe pas enceinte et Shaliq devient de plus en plus violent. Alors qu'il n'est pas au campement, une des amies de Daryâ la prévient qu'une rumeur court sur sa prétendue malédiction, ce qui justifiera pourquoi Daryâ n'a toujours pas enfanté. Prise de panique et craignant pour sa vie, Daryâ quitte précipitamment le campement et prend la route, sans savoir où aller.
Hasardeuse, et surtout affamée, elle fit la rencontre d'un jeune anglais qui parle le perse et qui est en chemin pour retourner aux Indes. Afin qu'il la prenne sous son aile, Daryâ lui demande de la conduire dans une grande ville afin qu'elle puisse y retrouver son grand-frère. Mais Daryâ n'a pas de grand-frère et n'a pas de famille ailleurs que dans son village ou dans la tribu nomade. En ville, prise en étau dans son mensonge, elle finit par lui relever son subterfuge. Malgré cela, l'anglais qui se nomme David Ingram, décide de la ramener dans la ville Multan puis à Bombay.
David, dont elle ne connaîtra le nom que bien plus tard, est à l'opposé de tous les hommes qu'elle a rencontré jusqu'à présent. Il la traite respectueusement, avec de la compassion, presque comme son égal. Après avoir voyager durant plusieurs mois de Bombay jusqu'en Afghanistan, il est temps pour David de retourner en Angleterre pour y retrouver sa mère. Voulant une dernière fois aider Daryâ, il lui trouve un travail d'ayah dans une famille d'anglais de sa connaissance à Bombay. Mais à peine que Daryâ si mit à travailler, elle comprend qu'elle n'est pas accepter dans ce milieu, ni par les anglais, ni par les domestiques. Un homme autre que David lui fera une proposition et Daryâ fera le choix fou, celui de le suivre Angleterre alors qu'au fond d'elle, elle ne pense qu'à David.
"La rose rebelle" est le second roman de l'auteure canadienne Linda Holeman. C'est un récit poignant, parfois douloureux, souvent dérangeant, mais écrit avec beaucoup de sensibilité. Ce roman met en scène Daryâ, une adolescente qui devient femme très jeune. La protagoniste est une personne forte, parfois tête brulée, un soupçon garçon manqué, mais qui cache au fond d'elle une certaine sensibilité. Le sort s'acharne régulièrement sur elle et les injustices qui s'offrent à elle impunément peuvent être gênantes pour le lecteur impuissant à tant d'injustices, notamment faites aux femmes.
"La rose rebelle" est un roman qui débute en Afghanistan, traverse l'actuel Pakistan et l'actuel Inde avant de nous offrir une traversée à travers les mers pour nous faire débarquer en Angleterre. Il offre donc un véritable voyage à travers des contrées lointaines et nous fait découvrir des peuples, notamment en Afghanistan où le roman nous immerge un temps dans deux tribus, une sédentaire et une seconde nomade. Linda Holeman a essayé de recréer le plus fidèlement possible l'époque où se déroule son roman, c'est à-dire la seconde partie du XIXème siècle. L'arrivée de David dans le roman apporte de la douceur au roman, et un soupçon de romantisme. Pourtant leur relation reste complexe, due principalement à ce fossé entre leurs deux cultures. David est l'incarnation du chevalier servant, du bon anglais respectueux des peuples des Indes comme il y en a souvent dans les romans se déroulant à l'époque du Raj Britannique. Et pourtant, nous ne pouvons qu'apprécier sa gentillesse et son charisme. David n'est pas inconnu aux lecteurs qui ont déjà lu "L'Oiseau du Cachemire" car il est le fils de Linny, la protagoniste du premier roman de Linda Holeman.
Ayant lu "La rose rebelle", un roman qui fait un peu plus de 500 pages en trois jours, je ne peux que recommander sa lecture. Ce qui a été le plus appréciable, en plus des nombreux rebondissements, c'est de découvrir différentes tribus de l'Afghanistan et que le personnage féminin ne soit pas indienne et encore moins anglaise, ce qui permet au lecteur d'avoir un regard nouveau sur l'Inde. Il est également intéressant que l'auteure, Linda Holeman, nous propose une vision peu reluisante de l'Angleterre à cette époque. Les ports indiens n'avaient alors rien à envier aux ports anglais.
Derrière cette couverture qui n'a rien aucun lien au roman, se cache une très belle lecture avec de beaux passages.
- J'ai vingt-trois, m'apprit-il à son tour, et bien que tous ceux qui me connaissent me prennent pour un Anglais, je suis de descendance afghane, et j'ai aussi l'Inde dans le sang.
- Dans le sang ?
Il émit un bruit étrange, proche d'un rire sans en être tout à fait un.
- C'est une expression. Certains Anglais nés aux Indes ne cessent d'entendre les bruits de ce pays, ne cessent de regretter ses couleurs, ses odeurs. Bien que mon pays soit l'Angleterre, quand je suis là-bas, je ressens une nostalgie presque maladive des Indes qui ont été mon premier foyer.