19 Septembre 2019
En attendant, et parce que j'écris, je pense à Bombay. Et je pense à Ramu. Le Ramu que je connais et le Ramu à propos de qui j'écris sont désormais indissociables. Il en va de même pour le Bombay que je raconte d'expérience et le Bombay que je suis entrain de mettre en mots. Pour moi, c'est souvent comme ça que les romans commencent. Par convergence. Je vis. Ensuite quelque chose m'incite à écrire. L'écriture ne concerne par le vécu. Mais une forme de vie. Les deux se produisent simultanément.
Ami de ma jeunesse
Amit Chaudhuri
Titre original : Friend of my youth
Traduit de l'anglais (Inde) par Simone Manceau
Éditions Globe - Date de parution : 28 août 2019 - ISBN : 978-2-21130-080-3 - 192 pages - Prix éditeur : 21 €
Amit est de retour à Bombay pour présenter son dernier roman "Les Immortels", deux ans après qu'une série d'attentats ait ébranlée la ville.
Pour Amit, revenir à Bombay, c'est avant tout combler une envie, celle de retrouver la ville qui l'a vu grandir. Séjourner quelques jours est l'occasion de passer du temps avec son ami d'enfance, Ramu.
Même si les choses ont changé en trente ans - des immeubles ont poussé, des ponts ont surgit et ses parents ont quitté la ville - Amit aime retrouver les lieux de sa jeunesse et dépoussiérer ses souvenirs. Il marche dans ses propres pas et s'offre à découvrir d'un œil nouveau sa ville. Revenir c'est également l'occasion de mettre ses sens en éveil, en dégustant un plat parsi, en flânant à Malabar Hill ou encore à humer les embruns de la Mer d'Arabie.
"Ce livre est un roman. J'en suis absolument sûr. Ce qui fait un roman, c'est que l'auteur et le narrateur ne font pas qu'un. Même si, et par pure coïncidence, ils portent le même nom. Le point de vue, la pensée, les observations du narrateur - ou de la narratrice - émanant pour l'essentiel de la vie du narrateur, lui appartiennent en propre. Certes le narrateur pourrait être la création de l'auteur, mais cela demeure un mystère pour lui - ou elle. Ses remarques et ses actions ne sont jamais simples.
C'est toujours avec un réel plaisir, que l'on retrouve l'écrivain Amit Chaudhuri à travers ses romans et autofictions. "Ami de ma jeunesse" est sa septième parution. Dans cette nouvelle autofiction, le narrateur se confond avec l'auteur, l'écrivain prend le pas sur le lecteur, l'histoire domine l'histoire elle-même et le résultat est parfait.
Avec "Ami de ma jeunesse", Amit Chaudhuri transporte son lecteur une nouvelle fois à Bombay et nous fait découvrir sa ville, celle qui l'a vu grandir, celle de ses souvenirs mais également Mumbai - la nouvelle appellation de Bombay depuis 1995 mais dont l'auteur se refuse de la prononcer - cette mégapole mouvante et surpeuplée qui est en constante transformation. Grâce aux descriptions détaillés d'Amit Chaudhuri, les parcs, quartiers, rues et monuments prennent vie dans le roman et le lecteur se retrouve projeter à son tour à Bombay. Pour le lecteur connaissant Bombay, le plaisir est encore plus intense. Mais Bombay garde entre ses griffes certains de ces habitants. Amit Chaudhuri nous donne l'exemple avec l'ami du narrateur, Ramu, qui a passé la majeure partie de sa vie avec une dépendance à la drogue malgré ses séjours en centre de détoxication. Il suffit pour ce dernier de se rendre en certains lieux précis de la ville pour replonger dans cette spirale infernale. D'autres fantômes hantent la ville. L'autofiction "Ami de ma jeunesse" se déroule deux ans après les attentats de Bombay qui ont eu lieu en 2008. Le lecteur perçoit que le narrateur et donc Amit Chaudhuri, revenant la première fois dans la ville après ces tragiques évènements, en sont profondément affectés notamment lorsqu'il se retrouve dans l'hôtel Taj, un lieu marqué de souvenirs de la jeunesse de l'écrivain mais un lieu qui a été très touché par cette vague d'attentats. Outre l'histoire d'un homme revenant dans la ville de sa jeunesse, Amit Chaudhuri, nous permet à travers cet ouvrage de nous mettre à la hauteur d'un auteur et ainsi comprendre ses réflexions, ses sources d'inspirations, le lecteur devient alors le témoin d'une naissance, celle de cette autofiction elle-même.
"Ami de ma jeunesse" est comme l'a parfaitement bien résumé "The Gardian", il est : A la fois roman et manifeste, une œuvre sur l'amitié, sur les expériences de la jeunesse et Mumbai. Mais, en réalité, une sorte d’anti-roman : un livre sur l'échec de la fiction à rendre compte de la réalité du souvenir.
Offrez-vous "Ami de ma jeunesse" et laissez-vous emporter à votre tour dans la Bombay d'Amit Chaudhuri et dans le monde de ce dernier.
Quatrième de couverture
Il est de retour dans la ville et le pays qu’il a quittés il y a trente ans pour présenter son dernier livre, donner un concert, et aussi échanger deux paires de chaussures de luxe, pour sa mère et sa femme.
Tout a changé à Bombay. Partout règne le désir frénétique d’acheter et de vendre. Dans le quartier où il a vécu enfant, un pont est apparu, des tours snobent les villas, l’aluminium remplace le bois, « et le geste d’ouvrir une fenêtre est effacé de la carte du monde ».
Pourtant, rien ne change. Car c’est avec Ramu qu’il déambule, s’étonne d’un détail architectural, s’émerveille d’un plat parsi. Ramu, son seul ami d’ici, qui a survécu à une overdose et s’est enfui du centre de désintox où on le frappait. Ramu, qui excellait en boxe, en gym et n’est devenu champion que de son propre échec. Ramu toujours disponible, qui lui a dit un jour, face au portail de leur ancienne école : « C’est pas pour tout le monde, la vie. »
Avec qui d’autre errer, "lost in translation", dans ce paysage de ruines invisibles devenues des fondations, dans la ville qu’il n’aimait pas mais à laquelle il appartient, définitivement ?