20 Août 2019
En fait, il fallait y regarder de près si l'on voulait se faufiler dans ce maillage, davantage obéir à des possibilités physiques ; les gens se frayaient un chemin dans les espaces infiniment étroits qui longeaient la façade, les murs et l'arrière des maisons ; le chemin, c'était là où les habitants choisissaient de passer.
A l’État Libre de Neel Mukherjee
Édition originale : A State of Freedom
Traduit de l'anglais (Inde) par Simone Manceau
Publication du 22 août 2019
Éditions Piranha - ISBN : 978-2-37119-077-1 - 305 pages
Prix éditeur édition broché : 20,50 € - Prix de l'ebook : 13,99 €
Un homme qui vit au États-Unis fait découvrir à son fils de 6 ans, quelques hauts lieux touristiques de son pays natal, l'Inde.
Un homme qui habite en Angleterre rend chaque année visite à ses parents bengalis qui vivent depuis de nombreuses années dans un appartement de Bandra à Mumbai. Amoureux fou de la bonne cuisine indienne, lors d'un de ces séjours, il s'intéresse à la nouvelle cuisinière de ses parents, Renu, qui provient du bidonville jouxtant l'immeuble du front de mer de ses parents.
Un homme de la campagne décide de dresser un ourson afin de gagner de l'argent pour subvenir aux besoins de sa famille et de celle de son frère disparu depuis qu'il est allé travailler à la ville. Mais dresser un ours n'est pas une mince à faire, vagabonder l'est encore moins.
Manglu, qui dorénavant se fait appeler Milly, a été envoyée en ville à l'âge de huit ans pour devenir employée de maison. Sans ce travail, son destin aurait été le même que son amie Soni qui a rejoint un groupe armé maoïste.
Un homme qui travaille sur les chantiers, espère chaque matin qu'il sera choisi parmi les nombreux journaliers.
Après "Le Passé continu" et "La Vie des autres", "A l'état libre" est le troisième roman de l'auteur Neel Mukherjee, un auteur indien né à Calcutta et qui vit à Londres. Sa région de l'ouest de l'Inde et ses origines bengalies sont très présentes dans ses romans même si ses protagonistes évoluent dans d'autres contrées. Neel Mukherjee doit être très attaché à ses racines, qui sont pour lui une véritable source d'inspiration.
Ce qui est intéressant dans les romans écrits par Neel Mukherjee, c'est que chacun d'eux possède son propre style et "A l'état libre" ne déroge pas à la règle. Lorsqu'on découvre et commence à lire "A l'état libre", l'on pourrait croire à tord que nous tenons entre les mains un recueil de nouvelles apportant une réflexion sur la liberté et le sens de la vie illustrée à travers un florilège de personnages. Si le lecteur est attentif à certains détails, il découvrira qu'un léger fil conducteur relie chacune des histoires. Il n'est pas évident de découvrir comment s'unisse ces histoires mais c'est justement ce qu'il rend ce roman intéressant et qui peut retenir le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page.
En écrivant le roman "A l'état libre", Neel Mukherjee a été très audacieux sur de nombreux points. Il y propose notamment trois chapitres avec pour chacun un protagoniste différent, ce qui n'est pas très courant dans les romans. Les deux derniers des cinq chapitres du roman ne suivent pas la même règle que les premiers. L'un d'eux propose de découvrir deux protagonistes et rappelle à son lecteur, un sujet abordé dans le roman "La Vie des autres", celui de la situation dans l'ouest de l'Inde, la guérilla et le maoïste, l'expropriation des terres et la grande pauvreté. Le dernier chapitre est quant à lui tout à fait original car Neel Mukherjee a osé apporté un récit sans une seule ponctuation.
"A l'état libre" est bien plus un roman proposant plusieurs histoires en une seule. A travers ce roman, Neel Mukherjee pousse son lecteur à réfléchir et à prendre conscience des disparités composant l'Inde et in facto le Monde. Sans entrer dans une vision caricaturée, il veut nous faire prendre conscience que l'Inde est pluriel, qu'elle possède de nombreuses facettes, qu'il existe souvent un fossé entre les disparités, que tout n'est pas forcément tout noir ou tout blanc. Il nous fait par exemple découvrir ces bidonvilles où vivent des personnes d'une pauvreté extrême - une population ayant migré de la campagne à la ville en espérant fuir la misère et leur destin - des bidonvilles qui côtoient des immeubles luxueux où certains y sont employés, que des métiers anciens suscitent encore des vocations mais plus par désespoir de cause que par une réelle volonté, des hauts diplômés indiens travaillent à l'étranger, ... Mais que finalement peu importe la situation, chacun retourne ou veut retourner là où il est né et/ou grandit. Il est également intéressant que dans ce roman, Neel Mukherjee propose des protagonistes de diverses classes sociales, castes, religions et ethnies. Si le roman peut paraître quelquefois sombre, il propose aussi des facettes plus légères, notamment lorsque l'auteur nous fait découvrir la cuisine indienne et certains de ces mets concoctés deci delà du roman, à faire saliver son lecteur.
"A l'état libre" réunit sans conteste tous les ingrédients qui en font un excellent roman de littérature indienne. "A l'état libre" ressemble à une miniature indienne, une œuvre offrant plusieurs mises en scène en un seul tableau. Il offre une expérience immersive qui permet à son lecteur de s'y imprégner. Avec "A l'état libre", Neel Mukherjee nous prouve une nouvelle fois ses talents d'écrivains mais surtout que la littérature indienne en langue anglaise à encore un bel avenir devant elle. "A l'état libre" est un roman qu'il faut lire.
Tous s'unissent en un rire moqueur, sarcastique même. Comment cela peut-il dégénérer aussi vite, entre le craquement de l'allumette et l'embrasement qui suit ? Lakshman regarde tout autour de lui. Partout des chantiers, des terres aplanies, des collines trouées, des tas de briques, de ciment et de sable, des machines, et un ou deux gros engins de chantier. Des hôtels ? Ramlal ne pourrait-il pas travailler plutôt par ici, plus près de son village ? Pourquoi est-ce qu'il est parti si loin, personne ne sait où ?