3 Décembre 2017
Mais Brown est mort à son tour, et seule l'arrivée du Munshi, à l'occasion du jubilé, a su dérider la souveraine éplorée. Le bel Indien de vingt-quatre ans lui a plu instantanément et la reine s'est laissé embarquer dans un tourbillon d'exotisme aux couleurs chatoyantes, aux saveurs épicées, aux sonorités étrangères. Décelant che Karim une certaine profondeur, elle s'est rapidement épanchée auprès de lui, à l'aise en sa compagne malgré la barrière linguistique qui les séparait. Karim en conteur de talent, lui faisait sembler l'Inde toute proche. On en est venu à parler de culture, de religion, et, bien vite, les discussions ont pris une tournure politique.
Confident Royal
La Reine et le Serviteur
De Shrabani Basu
Titre original : Victoria & Abdul
Traduit par Marion Roman
Éditions Presse de la Cité - Document - Parution le 21 septembre 2017 - 336 pages - Prix éditeur : 20 € (existe également en livre numérique)
À propos de l'auteure :
Shrabani Basu est née à Calcutta et a grandi à Dhaka, à Katmandou et à Delhi. Elle est diplômée en histoire du St Stephen's College à Delhi et l'a complété par un master à l'Université de Delhi. En 1983, elle a commencé sa carrière en tant que journaliste stagiaire dans les bureaux du "Times of India" à Bombay. Elle a ensuite déménagé à Londres en 1987 et a été depuis lors la correspondante du journal "Ananda Bazar Patrika" et "The Telegraph" de Calcutta. Au cours de sa longue carrière, elle a fait des entretiens exclusifs avec de nombreuses personnes dont Benazir Bhutto, Cheikh Hasina, Salman Rushdie, Nirad C Chaudhuri et Viv Richards. Elle a toujours combiné le journalisme avec son amour de l'histoire et tous ses livres ont évolué à partir de ses observations sur les histoires partagées de l'Inde et de la Grande-Bretagne.
Source : www.shrabanibasu.co.uk/biography
L'histoire
Abdoul Karim * est né six ans après la révolte des cipayes et depuis cet évènement majeur, la Couronne Britannique administre directement les Provinces de l'Empire des Indes.
La famille d'Abdoul Karim est originaire de Farrukhabad mais s'est installée à Âgrâ car le père d'Abdoul, aide-soignant militaire, qui avait officié de longues années sur de nombreux cantonnements pour le gouvernement britannique, s'est fait muter à un poste civil à la prison centrale d'Âgrâ. Abdoul Karim, quant à lui, après avoir été au service du Nawab de Jawara à l'Agence d'Agar en tant que naib wakil (représentant adjoint) a décidé de prendre le poste d'employé de bureau à la prison où travaille son père. Durant l'Exposition coloniale et indienne qui se tenait à Londres en 1886, les tapis moghols confectionnés par les prisonniers de la prison centrale d'Âgrâ ont impressionné l'impératrice des Indes, Victoria. Il se trouve que Karim avait aidé le directeur de la prison, un anglo-indien, en sélectionnant les œuvres et les artisans en vue de cette exposition. Il s'était également chargé de choisir le cadeau destiné à la reine. À la suite de l'exposition coloniale, Karim recevra les félicitations de son supérieur mais surtout une proposition. La reine Victoria a émis le souhait d'engager des Indiens en l'honneur de son jubilé d'or qui aura lieu l'année suivante. Elle attend pour l'occasion la visite d'un certain nombre de princes indiens et veut donc employer quelques fonctionnaires indiens dont deux agents qui seraient employés pour un an. Karim y voit une occasion en or et accepte sur-le-champ. Mais Karim apprendra à ses dépens qu'être serviteur de la reine n'a pas la même signification que servir un personnage de haut rang en Inde. Le 20 mai 1887, Karim prend le vapeur depuis Bombay pour l'Angleterre.
Abdoul Karim sera subjugué par les évènements du jubilé d'or de la reine et sera fasciné de voir de si près autant d'Indiens de haut lignage. Travaillé pour la reine, c'est également la suivre dans ses nombreux déplacements. La reine change régulièrement de résidence : Windsor, Osborne et Balmoral en Écosse. Abdoul Karim la suivra même lors de son voyage annuel en Europe. La reine Victoria est sous le charme de Karim et se prend d'une profonde affection pour son serviteur indien. Elle lui demandera des cours d'hindoustani et en échange, Karim à l'obligation de suivre des cours d'anglais. Karim apprenant vite, la reine lui confira de plus en plus de tâches personnels comme la correspondance mais il deviendra avant tout son confident. La reine Victoria, en apprenant que Abdoul Karim veuille retourner en Inde, décidera de le nommer "munshi" même si cette promotion ne fait pas l’unanimité au sein de la cour qui voit l'ascension de l'indien d'un mauvais œil et qui n'hésitera pas à comploter contre lui.
* orthographe utilisée dans le "Confident Royal"
Ma recension
"Confident royal" ou simplement "Victoria & Abdul" pour son titre original nous fait découvrir l'amitié improbable entre Abdul Karim, un Indien de confession musulmane et la Reine Victoria. Il a été durant durant les treize dernières années du règne et de la vie de la reine le confident et le professeur d'hindoustani. Après avoir gravi les échelons et obtenu de nombreuses faveurs de la part de la reine qui était profondément attachée à son munshi et qui le défendait bec et ongles contre les différentes attaques dont il a fait l'objet - mesquinerie, jalousie et racisme - il devient à la mort de cette dernière persona non grata.
"Confident royal" / "Victoria & Abdul" est une étude menée par la journaliste historienne Shrabani Basu. "Victoria & Abdul" est le fruit d'un très grand et long travail dans les archives de Buckingham Palace. Shrabani Basu s'est également rendu à Âgrâ, en Inde, pour retrouver la trace d'Abdul Karim. Mais les biens ayant appartenu à Abdul Karim ont disparu avec le drame de la Partition. En effet, de nombreux membres de sa famille ont quitté l'Inde dans la précipitation et ont été contraint d'abandonner les richesses acquises par Abdul Karim. Abdul Karim avait, grâce à sa relation avec la reine Victoria, acquis de nombreuses terres et amassé une véritable richesse, devenant un homme influent à l'époque à Âgrâ. Néanmoins, lors de parution de la première édition de "Confident Royal" alors qu'elle se trouvait à Bangaolore, Shrabani Basu a eu la surprise de voir réapparaître les mémoires d'Abdul Karim qui ont miraculeusement survécu à l'exode et qui se trouvent désormais à Karachi au Pakistan. La correspondance entre Victoria et Abdul Karim quant à elle, a été confisquée au munshi et détruit par la famille royale dès le décès de la reine car elle voulait faire disparaître toute trace de cette amitié improbable. Mais treize ans d'amitié ne s'effaçant pas ainsi notamment lorsqu'elle concerne une impératrice ayant marqué son époque et dont le décès la fin d'une époque. Concernant Shrabani Basu, cette dernière avait découvert l'existence d'Abdhul Karim en travaillant à un ouvrage sur la passion que la reine Victoria avait pour la gastronomie indienne. Une passion qui cachait une plus importante, la passion de l'Inde qu'avait la reine Victoria. À Osborne où elle mourut, il reste de nombreuses traces de cette passion. Elle y avait fait construire une pièce nommée "Le Durbar" où elle y avait reproduit l'intérieur d'un palais indien et où l'on y trouve de nombreux portraits dont celui du munshi. De plus, de ses leçons d'hindoustani qu'avait entrepris la reine Victoria a un âge avancé et auprès du munshi, il reste dans les archives de Buckingham ses nombreux cahiers. D'après la légende, Victoria utilisa la langue pour donner des ordres aux nombreux serviteurs indiens qu'elle avait recrutés pour la servir mais également pour accueillir certains princes indiens. Il est assez surprenant que malgré son long règne et surtout son titre d'Impératrice des Indes, la reine Victoria n'avait jamais mis les pieds en Inde, et ses connaissances de l'Inde lui ont été apprises notamment par Abdul Karim et les nombreux dignitaires qu'elle recevait. Qui aurait pensé que cette femme au trait austère puisse être si intéressée à l'Inde. Mais cette attirance n'était pas au goût de tous.
"Confident royal" / "Victoria & Abdul" est le premier ouvrage historique que je lis sur la royauté anglaise. Je ne m'y étais jamais intéressée auparavant et je ne l'aurais pas été si l'histoire n'avait pas un rapport avec l'Inde et l'auteure d'origine indienne. J'avais par contre lu de nombreux ouvrages sur les maharadjas, les princesses indiennes et les empereurs moghols. Même si dans cet ouvrage, Shrabani Basu a respecté la chronologie des évènements et qu'elle a essayé d'y rassembler un maximum de témoignages sur les faits décrits, j'ai trouvé que l'ensemble est assez lourd à lire, pour ne pas dire ennuyeux. L'ouvrage tourne bien évidemment autour de la relation autour de la reine et du munshi mais le lecteur retiendra avant tout ce sont les manigances et les messes basses de la cour qui couvrent des pages et même des chapitres entiers. Il est évident qu'en la quasi-absence du témoignage d'Abdul Karim et de ses correspondances avec la reine, son point de vue manque indéniablement. Il reste au final un homme mystérieux, difficile à cerner et dont les intentions resteront à jamais un mystère. Malgré le grand travail de Shrabani Basu, c'est un ouvrage qui nous laisse au final sur notre faim même s'il y a des informations intéressantes. Mais au moins l'auteure a respecté la réalité sans romancer son récit. Il est également intéressant d'y découvrir de nombreuses photographies sur le munshi et la reine Victoria, de même une liste des différents personnages rencontrés et l'arbre généalogique de la reine Victoria.
Le livre a inspiré un film réalisé par Stephen Frears avec les acteurs Judi Dench dans le rôle de la reine Victoria et Ali Fazal pour le rôle d'Abdul Karim. J'ai voulu pour cet article conservé le portrait de la reine et d'Abdul Karim en reprenant la couverture de sa version anglaise.
Le Munshi est désormais connu dans toute la Grande Bretagne. Son nom figure fréquemment dans les bulletins officiels du Times, suivi de son titre de "secrétaire particulier indien de Sa Majesté", car il l'accompagne au théâtre, dans les dîners, aux cérémonies officielles, et, le cas échéant, il est toujours fait mention de sa présence, comme de celle de tout autre membre éminent de la suite royale.
Quand la reine Victoria faisait aménager une salle indienne à Osborne House
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Abdul Karim (the Munshi) - Wikipedia
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Mohammed Abdul Karim - Wikipédia
" Mohammed Abdul Karim (en hindi : हाफ़िज़ मुहम्मद अब्दुल करीम , en ourdou : حافظ محمد عبد الكريم), né en 1863 à Lalitpur en Inde ...