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L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IkeaL'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IkeaL'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

De Romain Puértolas

Edtions "Le Dilettante" - 255 pages - ISBN : 978-284637767 - 19 €

Edtions "Le Livre de Poche" - 312 pages - ISBN : 978-2252179900 - 7,30 € - Parution le 18 mars 2015

 

 

Sur toutes les têtes de gondole des librairies, depuis le deuxième trimestre 2013 et durant toute l'année 2014 et peut-être même pour l'année 2015, ce livre, au nom original et aux couleurs pétillantes, n'a pas dû échappé à grand monde.

Après la lecture cette année "Le fabuleux destin d'une vache qui ne voulait pas finir en steak haché" de Daniel Safier, il ne me restait juste à découvrir enfin ce roman. Le Père Noël a eut l'a gentille idée de réaliser mon voeu et dès sa réception, je me suis mise immédiatement à sa lecture, tout en restant septique, j'avoue. Résultat : je l'ai dévoré en 24 heures et ai bien apprécié sa lecture.

 

Mais quelle relation avec l'Inde ? Tout simplement à rapport au titre qui parle d'un fakir. Je rappelle qu'un fakir, sa définition exacte est que c'est un membre d'une confrérie mystique hindoue ou musulmane, spécialisé dans les démonstrations d'insensibilité physique, est originaire d'Inde. Donc au vue du titre, le lecteur peut sûrement trouver une certaine concordance avec ce pays, même les moindres. Le lecteur apprendra très vite que le fakir n'implore non pas un dieu hindou mais Bouddha, et qu'en plus c'est tout simplement un arnaqueur.

Revenons au roman. Il s'agit de l'histoire de Ajatashatru, un fakir de pacotille originaire du Rajasthan et qui est venu sur Paris pour 24 heures. Son but ? Acheter un lit de clous modèle "Kisifrotsipik" dans une enseigne d'ameublement d'origine suédoise dont les meubles ont des noms imprononçables. Mais le plan, en soit très bien ficelé, ne se déroulera bien sûr pas comme prévu. Son lit ne sera pas disponible avant le lendemain, mais pire, la nuit qu'il passera cacher dans le magasin car il n'avait pas un sou en poche pour se payer une chambre à l'hôtel, à pars un faux billet de 100 euros ; le conduira après s'être caché dans une armoire du magasin, au-delà de Paris. De plus, le chauffeur de taxi, d'origine gitane, qui l'avait conduit dans le magasin après son arrivée en France, se rendra compte en fin de journée de l'arnaque du fakir. S'ensuivra une poursuite pour récupérer son dû et bien au-delà des frontières françaises.

Ajatashatru aura quelques électrochocs dont la condition des émigrés syriens ou d'autres pays du continent africain, qui bravent les obstacles pour rejoindre "les beaux pays", les dettes qu'ils contractent, les dangers auxquels ils sont confrontés, pour tout cela après avoir réussi à mettre le pied dans le pays de leur destination final, de se faire reconduire dans un pays où ils sont précédemment passés. Il éprouvera également de nouveaux sentiments où les arnaques auxquels ils s'apprêtaient auparavant en tant que fakir ou plutôt magicien n'avaient pas leur place.

Ajatashatru ne sera plus le même après son parcours atypique et ses nombreuses rencontres. L'humour très jaune et très "cliché" est très présent, limite parfois "tiré les cheveux", mais laissant place quelques fois à des sujets sérieux : l'immigration, l'amour, la remise en question ...

A prendre souvent au second degré, un livre idéal pour "s'aérer" l'esprit, mais malgré son côté "bon enfant", l'auteur a su écrire un roman clair, cohérent et avec des personnages attachants. Les clichés sont souvent tirés au maximum, les noms des personnages sont bien trouvés et malgré les jeux de mots très fréquents, le roman reste digeste. Et le lecteur s'exclamera peut-être de cette façon durant la lecture : Oh la vache (sacrée) !

 

 

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea

4ème de couverture

 

 

" Un voyage low-cost... dans une armoire Ikea ! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d'une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.

Il était une fois Ajatashatru Lavash Patel (à prononcer, selon les aptitudes linguales, «j'arrache ta charrue» ou «achète un chat roux»), un hindou de gris vêtu, aux oreilles forées d'anneaux et considérablement moustachu. Profession : fakir assez escroc, grand gobeur de clous en sucre et lampeur de lames postiches. Ledit hindou débarque un jour à Roissy, direction La Mecque du kit, le Lourdes du mode d'emploi : Ikea, et ce aux fins d'y renouveler sa planche de salut et son gagne-pain en dur : un lit à clous. Taxi arnaqué, porte franchie et commande passée d'un modèle deux cents pointes à visser soi-même, trouvant la succursale à son goût, il s'y installe, s'y lie aux chalands, notamment à une délicieuse Marie Rivière qui lui offre son premier choc cardiaque, et s'y fait enfermer de nuit, nidifiant dans une armoire... expédiée tout de go au Royaume-Uni en camion. Digne véhicule qu'il partage avec une escouade de Soudanais clandestins. Appréhendés en terre d'Albion, nos héros sont mis en garde à vue. Réexpédié en Espagne comme ses compères, Ajatashatru Lavash Patel y percute, en plein aéroport de Barcelone, le taxi floué à qui il échappe à la faveur d'un troisième empaquetage en malle-cabine qui le fait soudain romain... et romancier (l'attente en soute étant longue et poussant à l'écriture). Protégé de l'actrice Sophie Morceaux, il joue une nouvelle fois la fille de l'air, empruntant une montgolfière pour se retrouver dans le golfe d'Aden puis, cargo aidant, à Tripoli. Une odyssée improbable qui s'achèvera festivement en France où Ajatashatru Lavash Patel passera la bague au doigt de Marie dans un climat d'euphorie cosmopolite. Sur le mode rebondissant des périples verniens et des tours de passe-passe houdinesques, voici donc, pour la première fois dans votre ville, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, un spectacle en Eurovision qui a du battant, du piquant et dont le clou vous ravira. Non, mais.

Romain Puértolas est né à Montpellier en 1975. Ballotté entre la France, l'Espagne et l'Angleterre, il devient DJ turntablist, compositeur-interprète, professeur de langues, traducteur-interprète, steward, magicien, avant de tenter sa chance comme découpeur de femmes dans un cirque autrichien. Évincé à cause de ses mains moites, il s'adonne alors à l'écriture compulsive. Auteur de 450 romans en un an, soit 1,2328767123 roman par jour, il peut enfin ranger ses propres livres sur les étagères de sa bibliothèque Ikea et en cacher ainsi les affreuses fixations en plastique."

Le premier mot que prononça l'Indien Ajatashatru Lavash Patel en arrivant en France fut un mot suédois. Un comble !
Ikea.
Voilà ce qu'il prononça à mi-voix.
Cela dit, il referma la porte de la vieille Mercedes rouge et patienta, les mains posées comme un enfant sage sur ses genoux soyeux.
Le conducteur de taxi, qui n'était pas sûr d'avoir bien entendu, se retourna vers son client, ce qui eut pour effet de faire craquer les petites billes en bois de son couvre-siège.
Il vit sur la banquette arrière de son véhicule un homme d'âge moyen, grand, sec et noueux comme un arbre, le visage mat et barré d'une gigantesque moustache. De petits trous, séquelles d'une acné virulente, parsemaient ses joues creuses. Il avait plusieurs anneaux dans les oreilles et sur les lèvres, comme s'il avait voulu refermer tout cela après usage à la manière d'une fermeture Éclair. Oh, le joli système ! pensa Gustave Palourde, qui vit là un fantastique remède contre les papotages incessants de sa femme.
Le costume en soie grise et brillante de l'homme, sa cravate rouge, qu'il n'avait pas pris la peine de nouer mais d'épingler, et sa chemise blanche, le tout horriblement froissé, témoignaient de nombreuses heures d'avion. Mais étrangement, il n'avait pas de bagage.
Soit il est hindou, soit il a un sacré traumatisme crânien, pensa le chauffeur en voyant le gros turban blanc qui entourait la tête de son client. Mais son visage mat et barré d'une gigantesque moustache le faisait plutôt pencher pour un hindou.
- Ikea ?
- Ikea, répéta l'Indien en laissant traîner la dernière voyelle.
- Lequel ? Heu... What Ikea ? bafouilla Gustave qui se sentait aussi à l'aise en anglais qu'un chien sur une patinoire.
Son passager haussa les épaules comme pour dire qu'il s'en fichait. Djeustikea, répéta-t-il, dontmatazeoanezatbetasiutyayazeparijan. C'est à peu près ce qu'entendit le conducteur, une suite confuse de gazouillis palataux incompréhensibles. Mais gazouillis palataux ou pas, en trente ans de métier passés chez Taxis Gitans, c'était bien la première fois qu'un client fraîchement débarqué du terminal 2C de l'aéroport Charles-de-Gaulle lui demandait de le conduire dans un magasin de meubles. Car il n'avait pas souvenir qu'Ikea ait récemment ouvert une chaîne d'hôtels à son nom.
Gustave en avait eu des requêtes insolites, mais celle-là décrochait le coquetier. Si ce gars-là venait vraiment d'Inde, alors il avait payé une petite fortune et passé huit heures dans un avion, tout cela dans le seul but de venir acheter des étagères Billy ou un fauteuil Poäng. Chapeau !

Fakir de son état, Ajatashatru Lavash (prononcez J'attache ta charrue, la vache) avait décidé de voyager incognito pour sa première venue en Europe. À cette occasion, il avait troqué son « uniforme», qui consistait en un pagne en forme d'énorme couche de nouveau-né, contre un costume en soie brillante et une cravate loués pour une bouchée de pain à Dhjamal (prononcez J'ai mal), un vieillard du village qui avait été représentant durant sa jeunesse pour une célèbre marque de shampooing et en conservait encore de belles boucles grisâtres.

En enfilant la panoplie, qu'il garderait pendant les deux jours que durerait son escapade, l'Indien avait secrètement désiré qu'on le prenne pour un richissime industriel indien, au point de ne pas mettre d'habits confortables, entendez un survêtement et des sandalettes, pour un trajet en autocar de trois heures et un vol de huit heures et quinze minutes. Se faire passer pour ce qu'il n'était pas, c'était son métier après tout, il était fakir. Pour des raisons religieuses, il n'avait donc conservé que son turban sur la tête. Dessous poussaient inlassablement ses cheveux qu'il estimait aujourd'hui d'une longueur de quarante centimètres et d'une population de trente microbes et poux confondus.
En entrant dans le taxi ce jour-là, Ajatashatru (prononcez Achète un chat roux) avait tout de suite remarqué que son accoutrement avait fait son petit effet auprès de l’Européen et ce malgré son nœud de cravate, que ni lui ni son cousin n'avaient su faire, même pas après les explications pourtant claires mais tremblantes d'un Djahmal parkinsonien, et qu'ils avaient donc attachée avec une épingle à nourrice, détail mineur qui avait dû rester inaperçu au milieu d'un tel éclat d'élégance.

- Alors, un lit à clous Kisifrötsipik spécial fakir en petit pin suédois véritable, avec hauteur des clous (inoxydables) ajustable. Quel coloris ?
- Que me proposez-vous ?
- Rouge puma, bleu tortue ou vert dauphin.
- Je ne vois pas très bien la correspondance entre les couleurs et les animaux, avoua Ajatashatru qui ne voyait pas bien la correspondance entre les couleurs et les animaux mentionnés.
- Tout cela nous dépasse. C'est du marketing.
- Bon, alors rouge puma.

Ajatashatru regarda autour de lui. Quelle chance il avait de se trouver là ! Il se sentait comme un enfant qui aurait pénétré en cachette dans un grand magasin de jouets. Lui qui n'avait connu que les modestes demeures de son cousin Vachasmati (prononcez Vache asthmatique) et de Sihringh avait, pour une nuit, à son entière disposition, un appartement de plus de mètres carrés avec des dizaines de chambres, de salons, de cuisines et de salles de bain.

Page 49

En vérité, gourmand comme il l’était, notre fakir ne pouvait passer plus d’une journée sans s’alimenter. Dès que le soleil se couchait, chaque soir, on était venu refermer la toile de tente pendue devant le figuier et il s’était nourri des victuailles que son cousin Rhibbasmati (prononcez Riz basmati), complice de bon nombre de ses tours, était venu lui apporter. Pour ce qui était des vis et des boulons, ils étaient en charbon, ce qui, loin d’être très agréable à manger, était tout de même plus facile à déglutir que de vrais clous en acier, aussi rouillés fussent-ils.
Mais Ajatashatru n’avait jamais jeûné enfermé dans une armoire sans victuailles cachées dans le double-fond. Peut-être y arriverait-il s’il y était contraint. Après tout, il s’appelait Aja (prononcez À jeun). Le médecin de Kishanyogoor lui avait un jour affirmé qu’un être humain, fakir ou pas, ne pouvait survivre en moyenne plus de cinquante jours sans nourriture et pas plus de soixante-douze heures sans eau. Soixante-douze heures, autant dire trois jours.


En 2009, Ikea avait renoncé à l'idée d'ouvrir ses premiers magasins en Inde, la loi locale imposant aux dirigeants suédois de partager la gérance de leurs établissements avec des directeurs de nationalité indienne, actionnaires majoritaires de surcroît, ce qui avait fait bondir le géant nordique. Il ne partagerait pas le pactole avec personne et encore moins avec des charmeurs de serpents moustachus adeptes de comédies musicales kitsch.

Maintenant le fakir était assis, sans menottes, entre un Marocain asthmatique et un Pakistanais flatulent. Piqué par la curiosité de savoir dans quel nouveau guêpier il allait bientôt se fourrer et afin de passer le temps, l'Indien posa tout un tas de questions sur Barcelone à ses chers voisins.

Page 98

Eux, ils avaient tout abandonné pour se rendre dans un pays où ils pensaient qu'on les laisserait travailler et gagner de l'argent, même s'il fallait pour cela ramasser la merde avec les mains. C'était tout ce qu'ils demandaient, ramasser la merde avec les mains, du moment qu'on les acceptait. Trouver un travail honnête afin de pouvoir envoyer de l'argent à leurs familles, à leurs peuples, pour que leurs enfants n'aient plus ces ventres gros et lourds comme des ballons de basket, et à la fois si vides, pour qu'ils survivent tous sous le soleil, sans ces mouches qui se collent sur vos lèvres après s'être collées sur le cul des vaches. Non, n'en déplaise à Aznavour, la misère n'était pas moins pénible au soleil.

Heureux qui, comme Ajatashatru Lavash Patel, a fait un beau voyage en armoire et puis est retourné, plein d'usage et raison, vivre avec son amour le reste de son âge ...

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