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Indiennes, Rudali et autres nouvelles de Mahasweta Devi

INDIENNES, Rudali et autres nouvelles

De Mahasweta Devi

Traduits du Bengali par Marielle Morin

- "Rudali", "Dhauli" et "Shikar" ("La Chasse) sont extraites de Nairrte Megh, Karuna Prakashani, Calcutta, 1979

- "Draupadi" est extraite de Agnigarbha, Karuna Prakashani, Calcutta, 1978

- "Stanadayini" ("Celle qui donnait le sein") est extraite de Stanadayini ebong anyanya galpa, Karuna Prakashani, Calcutta, 1979

- "Murti" ("La Statue") est extraite de Murti, Nabapatra Prakashana, Calcutta, 1979

Broché : Aux Editions Actes Sud - ISBN : 978-2742749034 - 280 pages - 22,30 €

Poche : Aux Editions Actes Sud - Collection Babel -ISBN : 978-2330013080 - 8 €

 

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"Indiennes" est un recueil de 6 nouvelles issues de différents romans écrits par Mahasweta Devi. Ces nouvelles transportent directement son lecteur au Bengale, dans l'est indien (région de Calcutta), et nous fait rencontrer 6 femmes bengalies. Des femmes de castes et d'origines différentes, chacune avec son histoire, son propre combat, combat d'hier, combat d'aujourd'hui. Une Inde se déroulant il y a presque une quarantaine d'années, une lucarne, oui, mais pas forcément sur une autre époque.

 

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Rudali, les pleureuses

Sanichari est une femme de la basse caste des intouchables. Outre sa caste qui lui vaut d'être au service des hautes castes pour un salaire de misère, elle n'est pas gâtée par la vie. Selon sa belle-mère sa malchance devait venir du fait qu'elle soit né un samedi, jour néfaste sur le calendrier. Ce qui est sûr, c'est qu'en l'espace d'un laps de temps, toute sa belle-famille a quitté ce monde, s'ensuivit peu de temps après par son mari, lui qui avait le projet de cultiver un potager autour de la hutte. Sanichari pourtant n'était pas au bout de ses peines car à peine que son fils ait construit sa famille, que la roue tourna pour s'arrêter à nouveau sur la case de la mort. Et revoilà Sanichari, avec un jeune garçon, son petit-fils à élever seul, comme c'était déjà le cas pour son père avant lui. Un petit fils aussi fainéant que sa mère. Pui Sanichari se retrouva à nouveau seule au monde et trouvera une nouvelle source de revenue intéressante, devenir pleureuses pour les maliks au bout de leur vie.

 

Dhauli

Dhauli, jeune dusad, attend tous les jours que Misrilal, fils de brahmane, revienne au village comme il lui a promis. Elle ne voulait pas de lui au début, remplissant les tâches auxquelles elle devait s'afférer tous les jours. Mais il l'a cherché, séduit, malgré leurs différences de castes. Mais cela, est bien loin maintenant, pourquoi elle n'a pas résisté, ce n'est pas parce qu'il est fils de brahmane qu'il puisse faire tout ce qu'il veut avec qui il veut, une intouchable ou une autre. Voilà le résultat, Dhauli attend un enfant de lui, mais qui va pouvoir subvenir à cette bouche en plus à nourrir ? La famille de Misrilal, lui donnera-t-elle quelque chose comme c'est le cas pour les autres enfants légitimes ?

 

La chasse

Mary, une jeune fille de souche tribale, a un caractère bien trempé et très travailleuse. Rien ne lui fait peur, elle sait se débrouiller et se faire respecter. Elle a son emplacement de réservé au marché de Tohri, où elle y vend les fruits du verger qu'elle ramasse. Elle y a nombre d'admirateurs mais un jour, elle voudra se marier au chef de file des commerçants, un voyou nommé Jalim.

 

Draupadi

Draupadi est activement recherchée par la police, telle une grande criminelle, et dans toute la région, chaque bosquet, chaque village sont ratissés de fond en comble, tel la plus grande épine au pied du Gouvernement. Qu'a-t-elle commis comme crime si affreux auprès de son époux pour être si activement recherché ? Des dacoïts ?

 

Celle qui donnait le sein

Jashoda est la femme d'un brahmane et la mère de vingt enfants. Mais se souvient-elle d'un moment où il en a été autrement ? Son mari avait un travail de rêve, remuer à l'aide d'une cuillère en bois le lait sucré destiné aux confiseries et faire frire les galettes chez le confiseur. Ce métier lui permettait de nourrir convenablement sa famille et il aimait charparder de la farine ou un peu de nourriture là où il travaillait pour améliorer le quotidien des siens. Mais cela changea lorsqu'un jour, la folie du fils des Haldar lui roula sur les pieds et qu'il ne puisse plus exercer son métier au sein de la confiserie. Jashoda, à son tour, devait subvenir aux besoins de ses enfants et de son mari, et la famille Haldar, à l'origine de son malheur, et de plus est celle d'une brahmane, lui donna un travail idéal pour elle .... mère nourricière pour la longue marmaille des Haldar. Joshoda devient donc une mère à plein temps, et ses outils de travail ses seins d'où se déversaient une quantité de lait si impressionnante, que dans la ville et même au-delà, les gens la prenaient pour une déesse. Mais le temps passa.

 

La statue

Le village de Chhatim, n'est desservit par aucune route et la seule préoccupation de ses habitants est leur subsistance quotidienne. Ce village qui n'a guère évolué depuis la pendaison de Dindayal Thakur, cinquante plus tôt, et le départ de sa famille. Dindayal Thakur justement où le projet de l'élévation d'une statue en son honneur est en cours depuis qu'un membre du gouvernement est tombé sur l'histoire de cet héros local. Mais qui à Chhatim se souvient encore ce qu'il s'est passé en 1924, les raisons pourquoi le brahmane au service d'anciens rois (qui ne possédait que ce titre d'ailleurs) ait quitté le village subitement après la pendaison de fils, et pourquoi une très vieille veuve vit comme si elle était une pestiféré au fond d'une cour dans une petite hutte ?

 

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Mon avis

De très belles nouvelles, d'une très belle intensité, tantôt bouleversantes tantôt agrémentées d'une pointe d'ironie. Des femmes, jeunes ou âgés, au destin chamboulé par des évènements qui ont un jour ont débarqué au seuil de leur porte. Des femmes courages, gardant la tête haute malgré les aléas de la vie, sans geindre des douleurs qu'elles subissent.

Mahasweta Devi ne commence pas directement ses nouvelles en évoquant celle qui sera le cœur de sa nouvelle, elle prend le soin de poser le décor, de mettre son lecteur dans cette Bengale de la moitié du XXème siècle. Un Bengale brut, où très peu de ses villageois quittent leur environnement pour s'aventurer dans la grande ville, où la vie s'écoule avec des moyens ancestraux. Le lecteur trouvera également les liaisons souvent compliqué entre les membres de la même famille au travers souvent de plusieurs générations.

Un délice de lecture comme ne sait qu'offrir que peu d'écrivains et dont Mahasweta Devi est maître en la matière. Aucunement, les nouvelles ne manquent de matière, ne font l'impasse sur des éléments importants de l'histoire, elles ne sont ni trop courtes ni trop longues. La seule déception cependant, est de quitter ces personnages très attachants.

Indiennes, Rudali et autres nouvelles de Mahasweta DeviIndiennes, Rudali et autres nouvelles de Mahasweta Devi

D'ailleurs, aucun de ses rêves n'avait jamais vu le jour, pas même le plus modeste. Le gros peigne dont elle avait envie, elle n'avait jamais pu se l'acheter. Les bracelets de laque qu'elle n'aurait aimé garder aux poignets au moins un an, elle avait dû les enlever. Avec le temps, ses rêves avaient évolué. Avec le temps, ses rêves avaient évolué.

Page 14

Un mois passa, puis deux, puis bientôt quatre. Chaque jour, Dhauli allait guetter l'arrivée du car : c'était devenu une habitude. Ce soir-là, allongée sur le machan, elle repassa dans sa tête le film des évènements. Puis elle ferma les yeux. Posa sa main sur son ventre. L'enfant bougea. Quelle sensation étrange ! Si c'est un garçon, on l'appellera Murari, avait dit Misrilal. Hélas, Misrilal et son amour avaient désormais revêtu l'irréalité d'un mirage.

Page 80-81

Quand Mary Oraon se tient debout sur la colline et qu'elle regarde passer le train, elle est aussi un objet de curiosité pour les voyageurs qui peuvent l'apercevoir. Elle a dix-huit ans, elle est élancée, a le visage rond, un nez épaté et un teint cuivré, plutôt clair. Elle est généralement vêtue d'un sari imprimé. De loin, elle semble tout à fait charmante mais, de près, on perçoit dans son regard comme une lueur d'hostilité.

Page 100

En réalité, tout autour de Jharkhani, de la pointe nord à la pointe sud de cette région forestière à la sinistre réputation et située sous l'autorité du thana de Bankrajarh (en Inde, le moindre mille-patte relève d'un commissariat), des témoinages effarants circulent sur des individus soupçonnés d'attaquer des postes de police, de voler des fusils (et comme ces canailles sont souvent ignares, ils disent parfois "Donnez vos crosses" au lieu de "vos fusils"), de tuer des négociants en grains, des propriétaires terriens, des usuriers, des gardiens de la paix, des bureaucrates et des indices.

Page 129

Cette nouvelles règle fut donc mise en pratique. Kanalicharan devint un père professionnel et Jashoda une mère professionnelle. En vérité, devant l'exemple de Jashoda, la justesse de ce couplet tiré d'un chant de dévotion ne pouvait que convaincre l'esprit le plus sceptique :
"Être mère n'est pas chose aisée
Il ne suffit pas d'avoir accouché."

Page 166

Le jour dit, assis sous l'arbre, Dinu rayonnait. Dulali n'alla pas le voir. Elle resta enfermée dans sa chambre sans pouvoir parler à personne,, le coeur brisé. Finalement, elle noua sa chevelure négligée en un chignon lâche, se drapa dans son sari blanc sans bordure et s'approcha lentement de l'extrémité de la cour. Elle observa Dinu de loin, contempla son dhoti de soie blanc, sa chemise écrue, le châle autour de ses épaules, la marque de santal sur son front, les anneaux d'or à ses oreilles - signe de sa lignée. Quand il la découvrit, il la regarda un long moment et se redressa. Puis il arracha la guirlande qu'il avait autour du cou, jeta son châle à terre et effaça la marque sur son front.

Page 244

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